Français, contemporain.
Né en 1947, à Soisy-sous-Montmorency, France.
Le travail de Michel Nedjar est hanté par la confrontation avec les mystères de l'existence et la mutabilité de l'être, qu'elle soit activement recherchée ou s'impose à nous de façon soudaine. Il est surtout connu pour ses premières séries de poupées (c. 1976-1998), des sculptures biomorphiques faites de rebuts et de chiffons usés qui évoquent souvent des êtres hybrides grotesques semblant émerger de cauchemars individuels ou collectifs.
Michel Nedjar est né en France juste après la Seconde guerre mondiale dans une famille juive d'origine algérienne et de l'Europe de l'Est dont nombre de proches ont péri pendant la Shoah. Cette histoire, Nedjar en était vaguement conscient jusqu'à ce qu'il visionne, en 1960, le documentaire d'Alain Resnais Nuit et brouillard. L'horreur des camps d'extermination est devenu soudain, par le biais des images, une réalité bouleversante. Nedjar se souvient: «Tout s'est effondré en moi... Je savais maintenant que l'autre pouvait me tuer. Je m'identifiais avec les cadavres, je ressentais la violence».
A la fin des années 1970, traversant pendant deux ans une période de grande dépression, il commence à créer des poupées sombres et prémonitoires. Extrêmement viscérales, les poupées à la matérialité très dense portent autant de sens que leurs associations figuratives. Elles sont faites principalement à partir de haillons qui sont cousus, attachés et groupés autour d'une masse de paille, de corde et de bâtons. Certaines sont trempées dans un mélange d'eau et de teinture, de boue et de sang, pour être ensuite suspendues afin qu'elles sèchent et ratatinent, ce qui contribue à leur présence organique et à leur apparence âgée, ainsi qu'à l'évocation d'une horreur latente.
Les dessins de Nedjar peuvent être tout aussi dérangeants. Ils instillent une autre dimension juste au-delà des frontières connues de notre quotidien. Des visages et des personnages mystérieux et inachevés émergent, semblant prêts à envahir notre espace ou nous invitant à entrer dans une dimension plus profonde. Les dessins ont une matérialité rudimentaire. Des couches superposées de graphite, encre, peinture, et cire, sont en général appliquées directement à la main et fondues avec un fer à repasser brûlant, ce qui permet de découvrir partiellement – ou de «déterrer» comme dit Nedjar – les diverses couches accumulées.
Vers la fin des années 1990, les poupées de Nedjar ont beaucoup perdu de leur caractère horrifique et primitif, reflétant l'équanimité que la maturité a apportée à l'artiste. En 1998, il entame une série de «poupées de voyage» témoignant de son amour de l'exploration et des découvertes.
- Charles Russell
Expositions sélectionnées
2012, Accidental Genius: Art From the Anthony Petullo Collection, Milwaukee Art Museum, Milwaukee
2008, animo.!, Museum Gugging, Maria Gugging (Austriche)
2005, Poupées Purim, Musée d’art et d’histoire du Judaïsme, Paris
1995, Michel Nedjar: Les ongles en deuil, Galerie Susanne Zander, Köln (Allemagne)
1986, Rosa Esman Gallery, New York
Collections sélectionnées
Collection de l’Art Brut, Lausanne
Lille Métropole Musée d'art moderne, d'art contemporain et d'art brut, France
Milwaukee Art Museum
Musée National d’Art Moderne, Paris
Centre Georges Pompidou, Paris
Bibliographie sélective
Stone, Lisa, ed., Accidental Genius: Art From the Anthony Petullo Collection, Milwaukee Art Museum, Milwaukee, 2012.
Russell, Charles, Groundwaters: A Century of Art by Self-Taught and Outsider Artists, Prestel, New York, 2011.
Feilacher, Johann, animo.!, catalogue d'exposition, Springer-Verlag, Vienne, 2008.
Danchin, Laurent, "My Dolls Saved Me," Raw Vision No. 63, Été 2007.
Cardinal, Roger, "Michel Nedjar," L’Art Brut, fasicule No. 16, Lausanne, 1990.