Suisse, 20ième siècle.
Née 1886, à Lausanne; morte 1964, à Gimel-sur-Morges.
Les femmes romantiques et de pouvoir sont au cœur de l'univers visuel d'Aloïse Corbaz. La description de ces femmes – impérieuses, voluptueuses, sensuelles et sexuelles – domine le monde d'Aloïse, définit le champ visuel de ses dessins et force l'attention du spectateur. Son art célèbre le pouvoir féminin qui traverse l'histoire et l'imaginaire culturel occidental. L'atmosphère est à la fois intensément romantique et explicitement théâtrale: les personnages tirés de l'opéra, du théâtre et de romances historiques sont projetés de manière fictive, factuelle ou extatique par l'imagination passionnée et exaltée d'Aloïse.
Née dans une famille de la classe moyenne, Aloïse Corbaz reçoit une éducation traditionnelle, incluant des leçons de chant et de dessins qui font naître chez elle l'ardent désir de devenir chanteuse d'opéra. Après avoir travaillé comme gouvernante dans l'entourage du Kaiser Guillaume II, pour lequel elle se prend d'une affection intense et imaginaire, elle retourne à Lausanne au début de la Seconde guerre mondiale et montre des signes de troubles mentaux. Elle est diagnostiquée schizophrène en 1918 et internée pour le reste de ses jours dans l'établissement de La Rosière à Gimel, où elle commence à dessiner et devient bientôt connue sous le seul nom d'Aloïse. Son art suscite heureusement l'intérêt du Dr Hans Steck et une étudiante de ce dernier, Jacqueline Porret-Forel, qui travaille à conserver ses œuvres. Madame Porret-Forel fait connaître l'artiste et son travail à Jean Dubuffet qui voit en Aloïse un exemple d'art brut. Même si Aloïse n'est guère loquace avec Dubuffet, il estime qu'elle n'est pas folle, mais qu'elle a plutôt trouvé un espace à l'intérieur de sa «folie» pour établir son moi et créer un univers visuel remarquable sans lien avec le monde culturel.
Aloïse dessine essentiellement aux crayons de couleur et à mine et infuse ses œuvres de taches de pétales écrasés mélangés parfois avec du dentifrice. Elle travaille principalement sur du papier récupéré, de préférence du papier d'emballage, et des cartons. Dans son travail elle multiplie les images de femmes et de leurs admirateurs ou futurs amants se retrouvant dans des scènes passionnées. Or un simple dessin ne pouvant souvent contenir toute sa passion et ses visions épiques, Aloïse utilise aussi le verso de la feuille, découpant des images de magazines et brochant ensemble plusieurs pages de son travail qui peut atteindre plusieurs mètres de large ou de long. Les scènes succèdent alors aux scènes pour créer une sorte de longue narration et de royaume de l'amour à la fois hyperbolique et théâtral.
- Charles Russell
Expositions sélectionnées
2012, Aloïse. Le ricochet solaire, Collection de l’Art Brut & Musée Cantonnal des Beaux-Arts, Lausanne
2010, The Museum of Everything, Pinacoteca Giovanni e Marella Agnelli, Turin
2009, Aloïse “comme un papillon sur elle,” Borderless Art Museum NO-MA, Shiga (Japon)
2005, Dubuffet & Art Brut, exposition itinérante, Museum Kunst Palast, Düsseldorf; Collection de l'Art Brut, Lausanne; Musée d'art moderne Lille Métropole, Villeneuve d'Ascq
1993, Aloyse, Museum im Lagerhaus, Saint-Gall (Suisse)
1972, Aloïse, Atelier Jacob, Paris
Collections sélectionnés
Collection d l’Art Brut, Lausanne
Musée d'art moderne Lille Métropole, Villeneuve d'Asq (France)
Collection abcd, Montreuil
American Folk Art Museum, New York
Bibliographie sélective
Russell, Charles, Groundwaters; A Century of Art by Self-Taught and Outsider Artists, Prestel, New York, 2011.
The Museum of Everything, catalogue d'exposition, Pinacoteca Giovanni e Marella Agnelli & Electa, Turin/Milan, 2010.
Dubuffet & Art Brut, catalogue d'exposition, 5 Continents & Museum Kunst Palast, Düsseldorf, 2005.
Porret-Forel, Jacqueline, Aloïse et le théâtre de l’univers, Skira, Geneva, 1993.
Cardinal, Roger, Outsider Art, Praeger, New York, 1972.
L’Art brut, fasicule No. 7, Lausanne, Suisse, 1966.